Qu’ai-je vu ce soir ? Un ballet, un opéra, une pièce de théâtre, un spectacle de marionnettes, un concert, une représentation de cirque, un spectacle d’arts martiaux ?
Un peu tout cela à la fois. Le musée du Quai Branly, à Paris, proposait « Opéra Java, variation javanaise sur le Ramayana », mis en scène par le cinéaste indonésien Garin Nugroho.
Le spectacle racontait l’enlèvement de Sita par le géant Rahwana, un épisode central du Ramayana, grande épopée fondatrice de la mythologie hindoue.
Avec une grâce infinie l’actrice/danseuse/chanteuse qui interprétait Sita donnait à voir l’ambiguïté de cet enlèvement, mélange de violente capture et de reddition volontaire de Sita, attirée par l’inconnu, fascinée par la nouveauté incarnée par Rahwana, qui vient bouleverser la monotonie de sa vie de femme mariée.
L’enlèvement de la princesse entraîne une guerre sanglante, à l’issue de laquelle Rahwana est tué. Pour suggérer le déchaînement de la violence, les danseurs de la troupe se métamorphosaient parfois en un instant d’êtres humains en serpents ou tigres feulant, toutes griffes dehors -sans changement de costume, par le simple miracle de l’expressivité et de la souplesse de leurs corps. Ainsi traçaient-ils le portrait d’une civilisation javanaise où le raffinement le plus absolu n’oublie pas la sauvagerie de la jungle toute proche.
Les rythmes envoûtants, parfois lancinants de la musique de l’orchestre gamelan, accompagnaient le récit. Voix d’hommes et de femmes se relayaient pour raconter cette histoire de jalousie et de mort, à l’universalité d’autant plus frappante que la musique, les costumes et les mouvements des danseurs représentaient un dépaysement total pour des yeux et des oreilles d’Occidentaux.